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Définition

Au Maroc, le cancer de l'endomètre est le 2eme cancer gynécologique le plus fréquent après le cancer du col de l’utérus et le cinquième en incidence chez la femme (après les cancers du sein, du col, du colon et du poumon). Il compte pour environ 8 ? tous les cancers chez les femmes.

L'endomètre est la muqueuse qui tapisse l'intérieur de l'utérus ; elle s'imprègne d'hormones tout au long de chaque cycle menstruel et, au moment des règles, une partie de ce tissu est éliminé. On sait qu'un grand pourcentage des cancers qui ont leur origine dans des tissus sensibles aux hormones sexuelles - c'est le cas de l'endomètre - sont « hormonodépendants ». Ce qui veut dire qu'ils peuvent être déclenchés par un surplus d'hormones naturelles comme les œstrogènes. Plusieurs facteurs peuvent influencer à la hausse le taux d’œstrogènes, comme l'obésité et l'hormonothérapie non opposée (qui ne comprend que de l’œstrogène) à long terme. La progestérone, par contre, semble contrebalancer les effets néfastes des œstrogènes. Or, comme le taux de progestérone diminue après la ménopause, les femmes de plus de 50 ans sont davantage à risque d'un cancer de l'endomètre. Il semble que la prise d'anovulants (pilule anticonceptionnelle) pendant plusieurs années réduise le risque de ce type de cancer.

Contrairement au cancer du col de l'utérus, celui de l'endomètre peut survenir chez des femmes qui n'ont jamais eu de rapports sexuels. Il est plus fréquent chez les femmes ayant eu peu ou pas d'enfants. Parce qu'il entraîne fréquemment des pertes sanguines, le cancer de l'endomètre est souvent diagnostiqué assez tôt. Et comme il progresse très lentement, un diagnostic précoce signifie souvent que la maladie est encore très circonscrite. Dans ce cas, une chirurgie arrive généralement (dans environ 80 ?s cas) à éliminer le cancer.

Facteurs de risque

Dans la moitié des cas, le cancer de l'endomètre survient chez des femmes présentant des facteurs de risque. Il s'agit de caractéristiques propres à la personne ou de comportements, plus souvent observés chez les femmes ayant eu un cancer de l'endomètre que chez les autres.
Ces facteurs de risque sont multiples et peuvent, comme dans de nombreux cancers, s'associer. Le rôle favorisant de l'exposition aux estrogènes a été démontré. Toutes les circonstances qui augmentent cette exposition aux estrogènes majorent donc le risque de cancer de l'endomètre, comme le début précoce des règles, la survenue tardive de la ménopause ou le fait de ne pas avoir eu d'enfants. C'est pourquoi la prescription d'estrogènes est systématiquement associée à la prise de progestérone, que ce soit dans le cadre d'une contraception orale ou d'un traitement hormonal substitutif de la ménopause.

Il a été prouvé que la prise de tamoxifène (un anti-estrogène prescrit après un cancer du sein) favorisait le développement du cancer de l'endomètre, mais il faut une très longue durée de ce traitement pour augmenter le risque d'apparition d'un tel cancer. Ce risque reste d'ailleurs faible et bien inférieur aux bénéfices apportés par ce médicament dans le traitement du cancer du sein. Une surveillance gynécologique régulière est toujours recommandée dans de tels cas. Le cancer de l'endomètre est observé plus fréquemment en cas de surcharge pondérale.

Facteurs de risque des cancers de l'endomètre :

FACTEURS DE RISQUE

RISQUE RELATIF

Obésité

3 à 10 (production d'estrone par aromatisation de l'androsténédione proportionnelle au poids et à la taille)

Nulliparité

2 à 5

Ménopause tardive / Puberté précoce

2,4

Diabète, hypertension artérielle

2,7

Exposition aux estrogènes seuls

6

Tamoxifène

2,2

Ovaire polykystique

?

Contraception orale

0,5

Tabac

< 1>

Symptômes

Le signe d'alerte essentiel du cancer de l'endomètre est un saignement vaginal, appelé métrorragie. Tout saignement survenant après la ménopause est suspect et doit conduire à consulter son médecin qui pratiquera un certain nombre d'examens. D'autres signes moins fréquents peuvent également attirer l'attention, comme des pertes vaginales troubles ou franchement purulentes, provenant de la surinfection de la tumeur, des douleurs pelviennes, une difficulté à uriner.

Dans tous les cas, ces signes doivent vous conduire à consulter sans retard votre médecin, afin qu'il puisse faire un diagnostic à un stade précoce de la maladie.

Diagnostic

Examen clinique

Interrogatoire :
  • - apprécie l'importance des métrorragies, les facteurs favorisant,
  • - recherche la notion de THS,
  • - recherche des antécédents ou des facteurs de risque (c.f. supra).
Examen général :
  • - Souvent pauvre,
  • - Comporte l'examen des seins, la recherche d'une hépatomégalie, d'un ganglion de Troisier, de ganglions de l'aine.
Examen gynécologique :
Spéculum :
  • - Col le plus souvent normal (Réalisation d'un frottis systématique),
  • - On visualise parfois du sang provenant de l'utérus dans ce contexte,
  • - Parfois, on réalisera dans le même temps une biopsie d'endomètre à l'aide d'une pipelle de Cornier ou d'une canule de Novack. Cependant, le col est souvent sténosé et il s'agit de prélèvements à l'aveugle. Ils n'ont de valeur que s'ils sont positifs et une biopsie négative ne doit en aucune façon éliminer le diagnostic.
  • - L'envahissement tumoral du col peut être visible s'il s'agit d'un cancer de l'endomètre stade II,
  • - On vérifiera l'aspect du vagin (recherche d'une métastase vaginale),
  • - On appréciera la trophicité du vagin. Un vagin très trophique témoignant d'une hyperoestrogénie,
  • - En cas de polype au niveau de l'endocol, il faut savoir évoquer le polype sentinelle et se méfier d'une tumeur intracavitaire.
Toucher vaginal

Le plus souvent normal (gêné par l'atrophie et l'obésité). On peut retrouver un utérus gros et mou. On recherchera une masse annexielle.

Examens complémentaires

Le diagnostic du cancer de l'endomètre est histologique.

Echographie
  • - Par voie abdominale et vaginale (voire hystérosonographie avec injection intra-cavitaire de sérum).
  • - Mise en évidence d'une muqueuse épaisse (> 5 mm) avec un bourgeon tumoral irrégulier,
  • - Elle permet de donner une idée sur la pénétration myométriale et recherche une atteinte des ovaires.
Hystéroscopie

Peut être réalisée en ambulatoire. Le plus souvent complétée par un curetage biopsique étagé. Typiquement, elle montre une formation végétante, saignant au contact, au niveau de la cavité utérine. Elle permet :

  • - de visualiser directement les lésions,
  • - d'en évaluer la topographie et en particulier l'extension au canal endocervical,
  • - de guider les prélèvements histologiques.
Hystérosalpingographie

Pratiquement abandonnée en raison du développement de l'échographie endovaginale et de l'hystéroscopie.
Elle mettait en évidence des images de lacunes à bords flous, marécageuses, inhomogènes.

Seule la biopsie (l'examen histologique) va assurer le diagnostic positif de cancer de l'endomètre.

NB : Parfois, l'histologie est en faveur d'une hyperplasie atypique qui présente un risque d'évolution vers le cancer de l'endomètre (état précancéreux) et impose l'hystérectomie.

Traitement

Terrain

  • - Age, obésité, HTA, diabète,
  • - Etat général (Karnovski, Performance Status)
  • - Opérabilité (++++) (score ASA : score en anesthésie permettant de coter le (mauvais) état d'un malade. Va de 1 (risque anesthésique faible) à 5 (risque anesthésique majeur),
  • - Bilan biologique,
  • - Consultation pré-anesthésique,
  • - Radiographie pulmonaire.

Extension locorégionale

Il repose sur l'examen clinique pelvien sous anesthésie Idéalement pratiqué lors de l'hystéroscopie et du curetage biopsique : volume de l'utérus, sa mobilité, la présence d'une éventuelle masse ovarienne et l'atteinte des paramètres.

L'échographie pelvienne endovaginale et abdominale apprécie la pénétration myométriale et recherche une atteinte ovarienne.

La cystoscopie recherche un envahissement vésical (pratiquée dans le même temps que l'hystéroscopie curetage).

La rectoscopie à la demande (essentiellement pour les stades III et IV) et surtout, l'IRM systématique qui a tendance à remplacer les autres examens complémentaires à savoir la pénétration du myomètre (l'IRM est supérieure au scanner) et l’envahissement ganglionnaire (l'IRM est équivalente au scanner).

N.B. : Le CA 125 peut avoir un intérêt en cas d'atteinte ovarienne patente.

Extension générale

  • - Radiographie pulmonaire systématique,
  • - Recherche de métastases hépatiques ou cérébrales (échographie hépatique, scanner cérébral) en cas de suspicion clinique.

Prise en charge Thérapeutique

Principes
  • - La chirurgie est la base du traitement et sera toujours réalisée en première intention,
  • - La classification FIGO est une classification chirurgicale et ne sera applicable qu'une fois le geste chirurgical réalisé. Il faut insister sur le fait que la majorité des cancers de l'endomètre sont diagnostiqués précocement (stade I 80 %, stade II 10 %, stade III 7 %, stade IV 3 %).
  • - Le geste « minimal » consistera en une hystérectomie totale extra-faciale avec annexectomie, et donne d'excellents résultats en termes de survie,
  • - Le terrain (femmes âgées, obèses, diabétiques, hypertendues) est peu propice aux grandes exérèses chirurgicales (lymphadénectomies lombo-aortiques, pelvectomies),
  • - La curiethérapie et l'irradiation externe peuvent diminuer les récidives mais n'ont jamais démontré d'amélioration de la survie,
  • - Il n'y a pas de place pour la chimiothérapie et l'hormonothérapie en situation adjuvante.
Les moyens
Chirurgie
  • - Hystérectomie totale extra-fasicale + annexectomie bilatérale. Peut être réalisée par voie abdominale, par voie coelioscopique (essentiellement pour les stades I) ou par voie vaginale (hystérectomie de propreté chez une patiente fragile).
  • - Lymphadénectomie pelvienne, plus rarement lombo-aortique (par laparotomie ou coelioscopie).
  • - Colpohystérectomie élargie avec lymphadénectomie pelvienne (intervention de Wertheim). Consiste à retirer l'utérus, les annexes, une collerette vaginale et les ganglions pelviens.
Curiethérapie
  • - Curiethérapie vaginale : 4 à 6 semaines après la chirurgie. Il peut s'agir d'une curiethérapie à haut débit de dose (4 fractions de 6 grays) ou à bas débit (50 grays). On préfère actuellement la curiethérapie à haut débit de dose (++++).
  • - Curiethérapie utéro-vaginale quand la chirurgie est contre indiquée.
Radiothérapie externe
  • - Pelvienne (45 grays)
  • - Pelvienne + lombo-aortique voire abdominale
Chimiothérapie
  • - Cisplatine / Doxorubicine / Cyclophosphamide,
  • - Cisplatine / Paclitaxel
Hormonothérapie
  • - Progestatifs
Les indications

La plupart des patientes sont traitées à un stade précoce (stade I ou stade II).

STADE I : Le plus souvent on pratique une hystérectomie totale extrafasciale avec annexectomie. Curage ganglionnaire sous veineux (pelvien) selon l'état général.STADES Ia ou Ib, le plus souvent, il n'y a pas de traitement complémentaire. STADES Ic ou STADES Ia, Ib - Grades 3 : curiethérapie vaginale post-opératoire.

STADE II : Connu préalablement à l'intervention et traité par intervention de Wertheim (colpohystérectomie élargie). Le traitement adjuvant consistera en une curiethérapie associée à une irradiation externe

STADE III : On essaie de faire au minimum une hystérectomie totale non conservatrice. L'étendue de l'exérèse complémentaire sera décidée en per-opératoire en fonction des organes envahis. On proposera un traitement complémentaire par irradiation externe + curiethérapie.

STADE IV : On réalisera à la demande des résections digestives ou vésicales selon l'atteinte constatée. Les pelvectomies sont rares chez ces patientes âgées et fragiles. Il n'y a pas de bénéfice prouvé à la chimiothérapie ou à l'hormonothérapie en adjuvant en dehors d'essais thérapeutiques.

Les facteurs pronostiques

Age

Le pourcentage de formes indifférenciées et de formes inopérables augmente avec l'âge.
Augmentation de la morbidité des traitements avec l'âge.

Opérabilité
  • - âge, obésité, HTA, diabète,
  • - Etat général (Karnovski, Performance Status),
  • - Opérabilité (++++) (score ASA).

La base du traitement étant chirurgicale, il s'agit d'un facteur important.

Stade

Survie à 5 ans :

  • - pour les stades I : 80 %,
  • - pour les stades II : 60 %,
  • - pour les stades III : 30 %,
  • - pour les stades IV : 10 %.
Degré de différenciation

Il s'agit d'un facteur important. Le pronostic est d'autant plus sombre que la tumeur est peu différenciée.

Envahissement du myomètre

Il s'agit d'un facteur primordial. On parle d'envahissement inférieur à 50 %, supérieur à 50 % et dépassant la séreuse. La survie à 5 ans et le pourcentage de récidives sont étroitement corrélés à l'envahissement du myomètre.

Atteinte ganglionnaire

L'envahissement ganglionnaire pelvien et lombo-aortique est étroitement corrélé au stade, au degré de différenciation et au degré de pénétration dans le myomètre et transforme un stade I en stade IIIc.
Il faut souligner que ces 3 derniers facteurs sont étroitement corrélés entre eux.

Type histologique

Deux formes péjoratives :

  • - le carcinome papillaire séreux (qui doit être traité comme une tumeur de l'ovaire),
  • - et l'adénocarcinome à cellules claires (pronostic très péjoratif).
Cytologie péritonéale positive

Autres facteurs :

  • - Taille tumorale,
  • - Index de prolifération par cytométrie de flux (ploïdie, phase S, récepteurs hormonaux, surexpression des oncogènes (HER-2-NEU).

Surveillance clinique et paraclinique

Examen clinique tous les 6 mois les trois premières années puis tous les ans afin de rechercher une récidive (fond vaginal ++, région sous-uréthrale++++) et d'évaluer la souplesse du pelvis et des paramètres :

  • - Frottis une fois par an,
  • - Pas d'indication à faire des examens complémentaires à la recherche de récidives ou de métastases en l'absence de signes d'appel (notamment pas d'echographie ni de dosage du CA 125 en routine).

NB :

THS (Traitement hormonal substitutif) envisageable dans les stades I à faible risque en cas de symptomatologie invalidante de la ménopause,
Traitement des récidives.
Il s'agit d'un tournant dans l'évolution de la maladie.
Evénement très péjoratif en terme de survie.

Nécessite un bilan d'extension complet : radiographie pulmonaire, scanner thoracique, IRM pelvienne + examen sous anesthésie générale.
Récidive vaginale : curiethérapie ou colpectomie (patiente déjà irradiée).
Récidive centro-pelvienne : irradiation externe si elle n'a pas déjà été réalisée.
Pelvectomie d'indication très limitée en raison du terrain.

Points essentiels

  • - C'est le plus fréquent des cancers gynécologiques,
  • - La majorité des cancers sont diagnostiqués à un stade précoce,
  • - Il survient essentiellement chez la femme ménopausée,
  • - Toute métrorragie post-ménopausique doit le faire évoquer (++++),
  • - L'examen clinique est souvent peu informatif,
  • - Le diagnostic est réalisé par biopsie ou curetage,
  • - Le bilan d'extension est essentiellement anatomopathologique,
  • - Les 4 principaux facteurs pronostiques sont : l'âge, l'opérabilité, le stade, les données anatomopathologiques,
  • - Le traitement est essentiellement chirurgical,
  • - La chimiothérapie et l'hormonothérapie en situation adjuvante n'ont pas d'intérêt,
  • - Le pronostic est globalement bon,
  • - La surveillance est essentiellement clinique,
  • - Le dépistage du cancer de l'endomètre n'est pas recommandé.